Les combats de la libération (1944-1945)
"A 17 ans, je quitte Brest le 18 juin 1940 pour rejoindre l’Angleterre et rallier les Français libres. Aprčs Camberley, direction l’Afrique : Sierra Leone, Congo, Tchad, Nigéria, Egypte, Maroc, Tunisie, Algérie… La 2° DB est constituée, c’est le retour en Angleterre en attendant le débarquement !
3 aoűt 1944, nos chars sortent des LST les uns aprčs les autres. Ils forment une colonne qui se faufile entre les cordons blancs délimitant les passages déminés de la plage d’Utah Beach. Quelle joie, quel bonheur de remettre les pieds sur le sol de notre chčre patrie aprčs avoir passé 4 ans, 2 mois et 16 jours loin d’elle ! Je descends du char et m’agenouille pour embrasser le sol de France.
4 mai 1945, nous filons toujours ŕ vive allure vers le Nid d’Aigle d’Hitler lorsque soudain le Romilly et l’Infanterie s’arrętent devant l’entrée d’une caserne. Nous poussons alors la grille, entrons et tombons face ŕ face avec une centaine de soldats allemands. Ils ne sont pas mécontents de nous voir. Leur regard ne manifeste aucune animosité. Ils sont heureux, sans doute, d’ętre seulement prisonniers et d’avoir la vie sauve.
Nous continuons jusqu’au bout de la ville et sommes plusieurs chars ŕ nous arręter devant l’hôtel Platterhof. Dans ce repaire du nazisme, nous nous octroyons tous un certain nombre de souvenirs, considérant ces « récupérations » comme un butin de guerre justement mérité".
Pierre Coatpéhen - Le Relecq Kerhuon - 501° RCC - 2°Cie
Tireur sur le char Romilly
"Les combats s’enchaînent sans répit. Les survivants sont épuisés mentalement et physiquement. Je me suis approché d’un blessé, pour tenter de savoir s’il y a d’autres blessés dans l coin. Il a l’air de dormir et j’ai beau le secouer et le questionner, il me regarde les yeux vides, marmonnant des paroles incompréhensibles, avant de s’endormir ŕ nouveau. Les blessés sont adossés contre un talus ou assis dans une tranchée, serrant leurs fusils dans leurs mains, endormis ou dans un état de stupeur. Ils ont enduré le maximum de ce que le corps humain peut supporter tout en restant en vie".
Captain Philip Creese - 29° Division - 175° RI - Médic (aoűt-septembre 1944)
"Aujourd’hui, nous avons reçu l’ordre de faire un repérage au niveau de la gare de fret. Arrivé dans le bâtiment, notre chef d’escouade, le sergent Minkiewicz se poste prčs d’une encoignure de porte pour examiner les environs ŕ la jumelle. A peine en position, il est fauché d’une balle qui le tue sur le coup. Un tireur d’élite allemand. Quelques instants aprčs, le feu de l’artillerie se déverse sur nous, on a juste le temps de plonger ŕ l’abri dans une fosse située sous une locomotive. Le tir dure pendant plusieurs heures. Une dizaine d’obus touchent la machine au-dessus de nous. Le souffle des explosions nous fait extręmement mal, mais il vaut mieux rester abrité. Dčs que ça s’arręte, je me lance dans un sprint effréné, sautant au-dessus des rails sous les balles qui ne semblent jamais s’arręter".
Soldat de 1° classe Pasquale James Maglione - Brest
2° DI - 23° RI - Cie E (12 septembre 1944)
"Apprenant le débarquement en Normandie, je décide de m’y rendre afin de m’engager. A Fyé, prčs d’Alençon, des éléments de la 2° DB ont livré la veille un important combat contre la 9° Panzerdivision. Je les aide ŕ ramasser leurs morts et obtiens le jour męme mon engagement au RMSM.
Il me faut un uniforme. Moreau, un officier du 12° Cuirassier me donne une combinaison de treillis et ramasse ce calot rouge sur un mort de l’unité. Il me le tend et me dit : « Tiens, voilŕ ton calot, c’est le signe de reconnaissance de notre régiment ». Dieu merci, j’ai eu plus de chance que son ancien propriétaire…".
Louis Bossard - Brest - 1° Régiment de Marche de Spahis Marocains
- 4° escadron (12 aoűt 1944)
"Passionné de pilotage comme mon pčre, Louis Blériot, célčbre pionnier de l’aviation ayant traversé la Manche en 1909, je m’engage dans l’Armée de l’Air ŕ la déclaration de guerre. Démobilisé aprčs la défaite de juin 1940, j’ai dű attendre 1944 pour pręter main-forte ŕ la 2° DB lors de la libération de Paris. C’est au cours de cet engagement que je reçois cet équipement américain et ce casque ŕ croix de Lorraine".
Jean Blériot - Paris - 2° DB (aoűt 1944)
"13 septembre 1944, durant une brčve accalmie, quelques coups de feu claquent aux alentours. Wagner regarde ŕ l’arričre vers la ligne de combat principale. Nos regards se croisent pendant un instant furtif, puis sa tęte s’abaisse. Le casque tombe sur son front, cachant sa tignasse blonde. Un dernier regard de ses yeux bleus, puis ces quelques mots : « Je suis mort ». Un flot de sang jaillit de sa bouche, se répand sur mon treillis de parachutiste, puis sa tęte tombe sur le côté pour reposer sur ma poitrine. Horrifié, je lui crie « On ne meurt pas si vite… ! », mais la balle entrée au bras gauche s’est logée directement dans son cśur, le tuant sur le coup. Je reste lŕ, foudroyé.
Agé de 18 ans, Dieter Wagner était un soldat strict et rigoureux, mais pourvu d’un sens de l’humour qui ne le quittait jamais. Depuis le début des combats, il était avec moi, c’était mon meilleur homme de liaison. Un homme courageux, intrépide, un grand cśur amoureux des animaux. Il lui arrivait de nous expliquer des heures entičres comment préparer le chocolat. C’était son métier : chocolatier".
Ekkehard Priller - Fallschirmjäger regiment 2 - 6° Cie (septembre 1944)