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Les noms de rues, places et quais de Strasbourg dans la mémoire

Un peu d'histoire !


Les appellations des rues, places et quais de Strasbourg ne font leur apparition qu’au début du XVIII° siècle, après 1728. Jusqu’à lors, les citadins ne se repéraient que grâce aux nombreuses enseignes présentes sur les maisons qui désignaient ou caractérisaient le ou les propriétaires et leur métier. Jusqu’au XIII° siècle, les voies sont désignées par leur nom latin puis, ultérieurement, l’appellation se fait en langue alémanique : la rue devient Strasse (Stross en alsacien). La plupart des voies sont aussi désignées par "Gasse", "Gesselin" ou encore "Gässlin" (rue, ruelle) selon leur importance.

Les nombreuses appellations que l’on peut désormais voir dans la ville sont nées finalement d’emprunts divers. Tout d’abord, certains lieux ont conservé le nom originel de l’enseigne à laquelle ils étaient rattachés ; ainsi trouve-t-on par exemple les rues de l’Arc-en-ciel, du Ciel, du Chapon, du Faisan, de l’Arbre-Vert… Puis, la ville ayant longtemps été gouvernée par les corporations de métiers (du XIII° siècle jusqu’à la Révolution), on retrouve très souvent les noms des vingt corporations ou parfois le nom corporatif : quai des Bateliers, quai des Pêcheurs, rue des Charpentiers, rue des Serruriers, rue des Orfèvres, rue des Tonneliers, rue de l’Echasse, rue du Miroir… Certaines appellations proviennent également de l’usage du lieu où elles figurent, notamment en ce qui concerne les divers marchés qui prenaient place le long de rues élargies ou sur des places, ces dernières étant nées en 1527 de la suppression des cimetières attenant aux églises ou aux couvents : rue du Vieux-Marché-aux-Grains, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, place du Marché-aux-Cochons-de-Lait…

Enfin, d’une manière plus complexe, on trouve des noms de rues qui ont été corrompus par le dialecte puis traduits en français. Ainsi  peut-on rencontrer par exemple la rue de l’Ail (nom patricien "Klobelouch" qui fut déformé en "Knobloch", puis traduit en français). C’est aussi le cas pour d’autres lieux comme la rue des Cheveux (le patronyme "Horgesser" du XIV° siècle, transformé au fil du temps en "Haargasse", à l’origine de l’appellation actuelle).

L’histoire de l’Alsace et donc plus spécifiquement celle de Strasbourg, a fait évoluer les noms de lieux urbains en fonction des époques, aussi bien en termes de linguistique (latin, allemand, français) qu’en termes de sémantique, notamment lors de la période révolutionnaire. Les noms attribués à des familles nobles et les noms à résonnance religieuse sont ainsi proscrits et remplacés par d’autres plus en accord avec le temps : la rue de la Toussaint par exemple devient la "rue des Sans-Culottes", la rue Saint-Louis - la "rue de la Guillotine", la place Broglie - "Promenade de l’Egalité". La période de l’annexion entre 1871 et 1918, où Strasbourg est promue capitale du Reichland Elsass-Lohringen, verra également un changement dans les dénominations des rues qui  puiseront leurs sources dans des noms franciques, alémaniques et germaniques.

De nos jours, on retrouve dans la cité les panneaux de rues, places et quais en appellation bilingue (français et alsacien), dont l’usage remonte à 1925. Puis, à l’angle de certaines rues, on retrouve encore gravés dans la pierre, les noms de rues associés à l’arrondissement auquel elles appartenaient au début du XVIII° siècle, lorsque la ville fut découpée en cantons, par exemple "VI Cton Brüder Gass" - rue des Frères, sixième canton, ou encore "VI Cton Fasanen Gass" - rue du Faisan sixième canton....

Sources

Réalisation Joël Durand - mai 2022